MINA

Mina se tenait la tête entre les mains, en soupirant, le regard perdu dans le lointain. Elle ressassait les bons moments qu’elle avait vécus avec Christophe. Sortie-détente, promenade à pieds, cadeau, surprise, même les disputes lui manquait…mais tous ces instants étaient bien loin derrière elle. Aujourd’hui, elle se retrouve avec trois enfants sous le bras, seule avec ses craintes et son désespoir.

    • Eeh ! Christophe, que m’as-tu fais en m’abandonnant si tôt, seule à mon sort. Tu aurais été là que tu m’aurais dit, Mina, ne t’en fais pas tout ira bien. Mais là, je ne sais plus à quel saint me vouer. Avec la rentrée qui approche, je ne sais pas encore si les enfants iront à l’école.
    • Maman ? Maman ?

Mina sursauta et repris ses esprits.

  • Oui, ma chérie
  • Tu vas bien ? Cesse d’être triste, tu veux bien ? Fais-le pour nous.
  • D’accord, ma chérie, ne t’en fais pas.
  • Tout ira bien Maman, nous allons nous en sortir.
  • Viens-là, Mina serra sa fille, fort dans ses bras.

En effet, depuis la mort de son époux, Mina se débattait comme un beau diable pour subvenir aux besoins de sa maisonnée. Entre le loyer, les factures et la scolarité des enfants, Mina ne savait d’où donner de la tête, mais elle savait compter sur son courage, sa détermination et le plus important, sur l’amour et le soutien de ses enfants, Maty (16 ans), Christ (13 ans) et Laura, la petite dernière (10 ans).

Il faut dire que Mina avait des enfants formidables, surtout Maty qui l’aidait dans ses tâches. Pendant les vacances scolaires, elle aidait sa maman à vendre dans sa quincaillerie. Maty suppléait sa maman dès qu’elle le pouvait et prenait soin de ses frères en l’absence de celle-ci.

Mina faisait des pieds et des mains pour avoir des enfants bien nourris, bien logés, en pleine santé et bien scolarisés. Elle n’avait pas le temps pour elle, pourvu que ses enfants soient à l’abri du besoin. Malgré, toutes les difficultés qu’elle rencontrait au quotidien, Mina était heureuse et elle n’avait rien perdu de sa beauté. Sa taille élancée et ses rondeurs ne se cachaient pas si facilement. Du haut de son 1m80, elle était charismatique et imposante. Sa douce voix donnait l’envie de l’écouter pendant des heures. Assise derrière son comptoir, elle réservait un accueil chaleureux à ses clients, les taquinaient au passage et prenait des nouvelles de leurs familles. Cet aspect de sa personnalité attirait les clients et les fidélisait. Toujours le sourire aux lèvres, Mina était au four et au moulin pour satisfaire sa clientèle. Après une journée bien chargée, elle rentrait à la maison s’occuper de ses enfants. Après une bonne nuit de sommeil, la voilà rechargée pour une nouvelle journée de travail.

  • (Je te présente toutes mes excuses pour l’incident de tout à l’heure. J’espère que cela ne mettra pas un terme à nos relations professionnelles. Passe une excellente nuit et encore une fois, désolé) signé Fabrice N’Guessan.

Amah ne répondit pas. Elle pensa toute la nuit. Puis elle résolue de passer à autre chose, terminer le travail entamé et trouver des voies et moyens en vue de réunir son couple et retrouver sa joie. Choses auxquelles elle s’attela.

Elle mit les bouchées doubles au niveau de la décoration au domicile de Fabrice. Elle travaillait de façon professionnelle et garda de bons rapports amicaux avec Fabrice. Au retour du voyage de son époux, elle lui demanda une discussion en tête-à-tête car, elle voulait sauver son mariage.

Ce jour-là c’était un jour exceptionnel pour Mina, car c’était son anniversaire. Comme elle ne comptait pas le célébrer, Mina décida de s’habiller spécialement pour l’occasion. Elle avait mis un grand boubou jaune, un foulard, un léger maquillage et son sourire légendaire au visage.

  • Mina ? Où vas-tu ? Tu es toute endimanchée là ? lui demanda sa voisine du marché.
  • Je ne vais nulle part, juste à mon magasin. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. D’ailleurs, dépêche-toi de m’apporter mon cadeau, dit-elle en éclatant de rire.
  • Eh Mina, tu ne changeras jamais. Lui répondit-elle. Tu l’auras ton cadeau ma sœur.
  • Sois en remerciée d’avance. Ajouta Mina. Que la journée te sois fructueuse ma chérie.
  • A toi aussi Mina.

Mina s’installa à son comptoir et commença à travailler. Elle rangeait les articles en entendant l’arrivée des clients. Ce jour-là, Mina reçut de nombreux clients, Maty était venu l’aider dans le service, puis elle rentra pour s’occuper de ses frères. L’heure de la descente sonna, Mina faisait les derniers réglages avant de fermer lorsqu’un client s’annonça

    • Excusez-moi
    • Nous sommes fermés, dit Mina à l’inconnu.
    • Excusez-moi Madame, mais je viens de loin, après avoir fait le tour de beaucoup de magasins, l’on m’a indiqué que je pouvais trouver ce que je cherchais ici. Alors s’il-vous-plaît permettez-moi d’entrer. Lui dit-il poliment.
    • Mina hésita un instant et le laissa entrer.
    • Venez s’il-vous-plait. Elle lui sourit malgré la fatigue qui se lisait sur son visage. Que puis-je faire pour vous ?

Il lui remit la liste de ce qu’il voulait comme matériel.

  • Vous êtes en construction ? Demanda Mina.
  • Oui, oui ! Nous sommes au niveau des finitions.
  • Ah ! C’est super. J’ai tout ce dont vous avez besoin. Elle sélectionna les matériaux, fit l’addition. Vous en avez 250 000 f d’achats.
  • Tenez madame et encore une fois merci. Vous venez de me retirer une épine du pied. Je vous le revaudrai.
  • Je vous en prie, c’est à vous le merci. Au revoir et bonne soirée à vous. Après le départ du client, Mina leva les yeux au ciel et dit un grand Merci. C’était sa meilleure vente de la journée. Elle était heureuse et sur le chemin du retour, elle acheta deux poulets grillés, des frites, un peu d’attieké et une grande bouteille de soda pour célébrer son anniversaire avec ses enfants.

Arrivée à son domicile, elle était doublement et agréablement surprise, ses enfants en complicité avec sa voisine du marché avaient préparé une petite surprise pour elle. Un gâteau d’anniversaire un plat de tchep et quelques amuse-bouche.

Dès son entrée, tous se mirent à chanter le traditionnel chant d’anniversaire. Elle embrassa ses enfants et son amie Myriam qu’elle remercia. Après quelques heures de partage. Myriam demanda à rentrer. Mina était heureuse parce qu’elle avait passé un bon moment. Le lendemain, elle arriva un peu tard au magasin à cause de la soirée d’hier. A son arrivée, elle était surprise de voir que quelqu’un l’attendait, c’était le monsieur de la veille.

    • Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous ?
    • Bonjour Madame, bienvenue.

Elle ouvrit le magasin et l’invita à rentrer.

  • Merci Madame.
  • Vous désirez ?
  • Juste vous dire à nouveau merci et profiter pour vous inviter à diner ce soir.

Mina était surprise de cette invitation. Depuis la disparition de Christophe, elle s’était habituée à rester seule, renonçant à une nouvelle aventure pour l’équilibre psychologique de ses enfants. Et voilà que cet inconnu venait l’inviter à diner. Mina refusa poliment et prétexta des choses à faire.

  • Bien Madame, au passage, je suis Ange Allui, voici ma carte. Il lui tendit sa carte et partit.

Mina resta figée un instant puis rangea la carte. Elle continua la journée comme à l’accoutumée. Deux jours après, Ange se pointa à l’heure de la descente, cette fois Mina ne pouvait pas refuser car Maty lui chuchota,

  • Maman, tu peux y aller, je fermerai la boutique et m’occuperai de mes frères, surtout amuse-toi bien. Elle la poussa légèrement vers Ange et à lui, elle dit :
  • Prenez soin de ma mère, où vous aurez affaire à moi.
  • C’est promis. Il ouvrit la porte ; après vous Madame,
  • Merci Monsieur.

Ange emmena Mina dans un chic restaurant qu’elle connaissait. C’était le restaurant où elle avait pour habitude de diner avec son défunt époux. Tout de suite une vague d’émotion l’envahit. Ange le remarqua et lui demanda ce qui n’allait pas.
Mina lui raconta son histoire. Ange lui proposa de changer d’endroit mais elle refusa. Une heure après ses émotions s’étaient dissipées et elle passait une belle soirée en compagnie d’Ange.
Ange Allui était divorcé et père de deux garçons. Depuis son divorce, il vivait avec ses deux enfants et leur gouvernante.

  • J’espère que tu auras l’occasion de les rencontrer. Dit-il à Mina.
  • Je l’espère aussi.

Ange était tombé sous le charme de Mina qu’il essayait tant bien que mal de conquérir. Chose qui lui était difficile parce que Mina se refusait à un quelconque autre bonheur. Elle avait peur que celui-ci l’abandonne comme Christophe. C’est avec le soutien de Maty et de son amie Myriam qu’elle décida un an après de donner sa chance à Ange qui avait déjà été adopté par ses enfants. Ceux-ci allaient passer du temps quelque fois avec les enfants d’Ange. Maintenant que Mina s’était mise en couple avec Ange, elle rayonnait de joie, elle était lumineuse à tel point que Myriam la charriait.

  • AAH que c’est beau l’amour, disait-elle en fredonnant une chanson
  • Sors de ma boutique Myriam ! Va voir ailleurs si j’y suis.
  • Quand on parle du loup, on voit sa queue, je m’en vais. Bonjour Monsieur Allui.
  • Bonjour Myriam comment vas-tu ?
  • Super bien. Je vous laisse. A plus !

Les enfants étaient chez Ange pour le week-end, il vint chercher Mina pour qui, il avait une surprise. Mina confia le magasin à Myriam et partit avec lui. Dans un beau jardin était dressé une table, des pétales de roses autour, une bouteille de champagne, un orchestre.

    • Mais ce n’est pas mon anniversaire aujourd’hui. Dit-elle surprise.
    • Je le sais. Mais c’est un jour spécial, une occasion spéciale, pour une personne spéciale qui a apporté de la lumière dans ma vie.

Elle sourit, il la fit asseoir, lui servit un verre de champagne. Après avoir trinqué, au moment où elle s’attendait le moins, il mit un genou à terre et lui fit sa demande.
Mina, veux-tu m’épouser ?

    • …. (Silence)

Mina ne trouva pas les mots, elle écarquilla juste les yeux et plongea son regard dans le sien. Les cinq enfants des deux couples sortirent et crièrent

    • Dis oui, Maman, dis oui. Ne le laisse pas longtemps à genou.
      Mina leur sourit tendrement et répondit.
    • Oui Ange, je veux t’épouser.
        Les enfants se mirent à applaudir et l’orchestre à jouer.

Ange heureux, l’embrassa langoureusement avant de la porter et la faire tournoyer dans le cercle que formaient les enfants qui se tenaient par la main.


FIN !