Pr. DA SILVA-ANOMA : “La vie est belle, même quand elle est difficile”.

Hier, responsable des blocs opératoires au CHU de Yopougon et vice-doyen à l’UFR des Sciences Médicales, aujourd’hui Directrice Médicale et Scientifique de l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville, Madame Sylvia da Silva-Anoma est Professeur Titulaire de chirurgie pédiatrique, avec un intérêt particulier pour la chirurgie néonatale, viscérale, urologique et génitale et formatrice des formateurs à l’UFR des Sciences Médicales à Abidjan. Pr da Silva-Anoma ne jure que par le travail bien fait. Pour atteindre ses objectifs, elle mise sur le travail désintéressé, l’esprit ouvert, le désir de partager et d’apprendre des autres et surtout de ne pas compter son temps.

J’ai toujours baigné dans le milieu médical. Après mon Baccalauréat C, j’ai eu une bourse pour étudier l’architecture en France à laquelle j’ai renoncé, car je voulais absolument devenir médecin ; il m’était impossible d’envisager un autre métier. En médecine, il y a la connaissance, c’est-à-dire le savoir qui a été intégré, mais aussi le savoir-faire et le savoir-être. Pourquoi la Chirurgie ? Peut-être parce que je suis très manuelle. Je pense également que c’est un peu lié à mon tempérament, dynamique (ndlr. Rire) et à l’éducation que j’ai reçue, qui a développé la confiance en moi et la faculté de dépasser les obstacles. J’ai adoré la pédiatrie parce qu’on interagit avec les patients et leurs parents. C’est une dimension de la médecine qui touche à l’essence de l’être humain. Je dirais aussi que plus j’avance en âge, plus je suis passionnée par les différents aspects de la médecine.

Probablement parce que je ne compte pas le temps que je passe au travail que ce soit pour les patients, pour former des étudiants en médecine, des spécialistes en chirurgie pédiatrique ou des enseignants en pédagogie. J’aime aller au bout de mes engagements et je me rends disponible. Mes collègues m’ont fait confiance, me proposant des responsabilités de plus en plus importantes, et j’ai eu la chance de développer des compétences dans certains domaines. Compétences que j’enrichis chaque jour et pas forcément avec des gens qui sont au-dessus de moi mais parfois avec des plus jeunes qui sont pointus dans telle ou telle discipline. Par ailleurs, j’ai rencontré la Première Dame de Côte d’Ivoire, Madame Dominique Ouattara, suite à l’organisation d’un congrès international des chirurgiens pédiatres à Abidjan ; elle avait, par le biais de sa Fondation, un projet d’établissement de santé ; et de notre rencontre est né l’HME. Madame Dominique Ouattara m’a fait l’honneur de m’en proposer la direction médicale et scientifique.

Il faut avoir de l’expérience, une bonne culture médicale ; il faut être attentive à chaque détail, patiente, disponible ; il faut avoir des objectifs précis et faire évoluer le projet avec méthode. Je développe donc un management participatif et constructiviste, garant du maintien d’un environnement professionnel attractif et agréable.

C’est une fierté et je suis fière pour toutes ces femmes qui ont été distinguées parce que c’est une reconnaissance qui va au-delà de nos personnes. C’est une reconnaissance pour des valeurs qu’on véhicule ou un modèle qu’on espère être ; par notre manière de nous comporter avec les étudiants, les patients, nos collègues…

Je suis bien entendu tout à fait pour. L’homme et la femme sont différents. Heureusement (rire…). Et de nature, la femme est le plus souvent multitâches ; nous sommes attentives à des choses que ne voient pas forcément les hommes ; et donc une femme entrepreneure va monter son projet pour répondre à un besoin précis bien identifié, et si elle a confiance en elle, et si elle a des compétences en management et en comptabilité, elle réussira. La femme est devenue un acteur économique incontournable et elle doit développer ses points forts, ses atouts. Je vais vous donner un exemple, à l’UFR des Sciences Médicales, le Doyen est une femme, Professeur Nandjui. Et il y a trois vice-doyens parmi lesquels, deux femmes.

C’est aussi une problématique de beaucoup de pays développés. Je pense que les femmes ont été formatées depuis des siècles (la fameuse mémoire ancestrale) pour être cantonnées à certaines tâches au détriment d’autres. Il est important d’accepter nos différences, homme-femme. Mais les femmes doivent retrouver la liberté de s’intéresser aux sciences ou à d’autres domaines qui leur étaient « interdits », en développant les mêmes compétences que les hommes. C’est en train de changer, ça change ! Quand vous voyez le nombre de femmes chirurgiennes, femmes professeures, médecins, etc. Je ne connais pas le ratio de femmes en terminales S ou D mais en médecine, le ratio de femmes a énormément augmenté. Donc la femme a sa place partout. L’essentiel est que la femme choisisse le métier dans lequel elle est heureuse qu’il soit scientifique ou pas.

A l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville, nous avons un mammographe 3D avec tomosynthèse ; c’est le dernier appareil qui donne des résultats de très grande précision. Et une radiologue, Dr Corinne Houénou, fait les micro biopsies du sein. Bien entendu, l’enjeu est de faire ce diagnostic le plus tôt possible.

D’abord la confiance en soi, il faut qu’ils aient confiance en eux, c’est fondamental. Et la famille, l’éducation ont un grand rôle à ce niveau, pour inculquer des valeurs. Ensuite, il faut qu’ils sachent ce qu’ils veulent. Il faut que les jeunes soient conscients que la vie n’est pas facile mais la vie est belle. Il ne faut surtout pas se laisser prendre dans la spirale infernale des addictions. Par contre, il faut savoir ce qu’on veut faire et il faut se donner les moyens de faire ce que l’on a envie de faire.
Les jeunes filles doivent rester ‘’dignes’’, sûres d’elles-mêmes et compter sur leurs valeurs propres. Elles doivent savoir ce qu’elles veulent. Si l’objectif d’une jeune femme, est d’être coiffeuse, mannequin, chirurgienne, qu’elle se donne les moyens d’atteindre ses objectifs, malgré les embuches, les difficultés. Mais cela dépend principalement d’elle, et non de quelqu’un d’autre. On dit que la vie est belle, je dis : “la vie est belle, même quand elle est difficile”.

Franchement, ce sont des préjugés. Et je suis contre toutes formes de préjugés ! Pour moi cela n’a aucun rapport. Je suis contre le sexisme, contre tout ce qui pourrait être harcèlement. Je vous ai dit que je ne suis pas féministe, car je suis pour l’égalité dans la différence, mais il y a un adage que je n’aime pas qui dit ‘’derrière un grand homme, il y a une grande femme’’ et moi je dis pourquoi derrière ? A côté d’un grand homme, il y a une grande femme et vice-versa dit Pr da Silva-Anoma. (Rire..).

Un lion. Je suis née en août, je suis du signe zodiaque lion, j’ai les traits de caractères d’un Lion. J’aime organiser, maîtriser ce que je fais, je suis autoritaire, exigeante sous des apparences de douceur, car je préfère convaincre les autres de ce qu’ils doivent faire pour pérenniser le résultat, plutôt que leur faire d’emblée la guerre. Mais je sais sortir mes ‘’griffes ‘’ quand il le faut.

Marina KONAN / Virginie KOSSONOU