INTERVIEW DE L’INSPIRANTE MME AISSATOU CISSE SEYE

Le goût du travail et de l’entrepreneuriat, elle l’a depuis l’adolescence, une valeur qu’elle n’a cessé de développer le long de son parcours professionnel. En effet, Madame Aïssatou Cissé Sèye, s’est lancée très jeune dans le milieu professionnel. Son ambition d’avoir un jour sa propre entreprise va la pousser à apprendre auprès des autres et tout donner pour y arriver. Aujourd’hui, elle est une chef d’entreprise qui a su s’imposer dans le domaine du transport privé en Côte d’Ivoire. Elle gère son entreprise d’une main de maitre avec plus d’une centaine d’employés.

Femme de courage, de valeur et de convictions, Madame Aïssatou Cissé Sèye, PDG de l’entreprise de transport privée Pendis-CI, présidente de la Fondation Makhete Cissé et lauréate du Prix d’excellence du meilleur chef d’entreprise catégorie femme 2016, partage son expérience de l’entrepreneuriat avec vous chères félines.

J’ai commencé à travailler à l’âge de 18 ans, car j’avais envie d’être autonome financièrement  et permettre à mes parents de bénéficier du labeur de mes mains et savoir gérer mon argent. Mon premier emploi a été de gérer le pouls de  dactylographes à la compagnie aérienne Air Afrique. J’ai également gérer les ressources humaines. Du haut de mes 18 ans j’avais la gestion de personnes plus âgées et plus expérimentées que moi. Mais je devais aussi apprendre auprès d’elles. A cet effet, j’ai bénéficié du soutien et de l’accompagnement d’une dame qui m’a aidé dans mes activités et ma formation professionnelle. J’ai très vite gravit les échelons grâce à ma dévotion au travail pour me retrouver au poste d’assistante de direction. Cependant, je n’ai pas abandonné l’école, au contraire j’y suis allée jusqu’à l’obtention de mes diplômes notamment en Droit des affaires et en gestion des entreprises. Mon but étant d’avoir un jour ma propre entreprise, je travaillais donc à l’atteindre.

Il faut savoir qu’en 2004 je travaillais avec mon époux. Je m’occupais de tout ce qui était logistique carburant.  Parce que je l’ai emmené à réduire sa dotation en carburant. Il m’a fait confiance et m’a confié la gestion de la logistique carburant. Dans un premier temps, j’étais  responsable de logistique, carburant jusqu’en 2007 quand mon époux est décédé c’est là que j’ai pris l’activité en main  pour être une gérante associée.  Ce qui revient à dire que je suis associée de ma société mais également la gérante. C’est moi qui gère la société et donne les orientations. Pour moi la gestion-associée est aujourd’hui la nouvelle formule de l’entreprenariat car elle permet d’atteindre ses objectifs.

Par mon travail. En effet, j’ai montré aux clients que bien que je sois une femme, je suis capable de diriger. Mon personnel et moi avons capitalisé sur trois aspects : la ponctualité, le confort et la sécurité de sorte à ce qu’au bout de deux ou trois mois, les partenaires et les clients soient sidérés de savoir qu’une femme peut bien travailler autant qu’un homme voire mieux. Ils m’ont appelé pour me dire qu’ils sont satisfaits de mon travail. Malgré l’absence de mon mari, on sentait toujours le professionnalisme comme si c’était un homme qui dirigeait l’entreprise. Du point de vue des rapports des activités, les horaires étaient toujours respectés. Ces témoignages m’ont vraiment encouragé et boosté mon travail. Une partie du challenge que j’avais en tant que femme, était également de rassurer mon personnel.

En 1989, pendant que je travaillais encore à Air Afrique, il m’est venu l’idée de créer ma propre entreprise. J’ai légalement mis alors sur pied ‘’Pendis entreprise’’, ma première société personnelle avec une compilation des diminutifs des prénoms de mes enfants : Penda et Ismaël pour  donner Pendis.  Aussi, je m’occupais du nettoyage des bureaux et le ravitaillement en fournitures de bureau, lors de mes heures libres, notamment les week-ends. Voilà comment je me suis familiarisée à l’entrepreneuriat auprès de mon époux qui, lui gérait également la sienne qu’il a appelé Makété Entreprise. En 2007, quand il décède, la société devient une entreprise à responsabilité limitée et change de dénomination pour prendre le nom de  Pendis Transport puis Pendis Côte d’Ivoire.

Lorsque j’ai pris les rênes de l’entreprise pour en faire Pendis-CI, mon équipe et moi avons basé notre objectif sur le respect de l’engagement, le savoir-faire et le travail bien fait. En outre, nous avons développé ensemble un système de feedback qui faisait que lorsqu’un conducteur de l’un de nos véhicules était confronté à un bruit peu ordinaire, il stationnait pour informer le service de permanence et dans les 5 à 10 minutes qui suivent, un autre véhicule était déjà sur place pour continuer le convoyage du personnel. Cela fait partie de notre stratégie développée en symbiose avec mon équipe pour satisfaire tout le monde.  C’est donc un travail d’ensemble.  Avec mes économies et les apports des fournisseurs et bien d’autres personnes qui nous ont fait confiance, j’ai pu répondre aux besoins pressants des charges sociales, à l’entretien des cars et surtout le respect de nos engagements vis-à-vis des partenaires.  Ce sont ces actions qui nous ont permis de positionner la structure dans le milieu du transport ivoirien.

Nous avons une cinquantaine de véhicules et une centaine d’employés. Donc le niveau, pour le moment, est moyen parce qu’on sera meilleur lorsque Pendis-ci aura développé ses activités au niveau des départements de la Côte d’Ivoire, de la sous-région et pourquoi pas à l’international. Nous nous déployons peu à peu à l’intérieur mais restons essentiellement basé à Abidjan. Pour le moment, on fait en sorte que le transport du personnel puisse se passer dans les meilleures conditions, c’est-à-dire un agent ne doit pas faire plus d’une heure dans le véhicule, le transporter dans le temps indiqué comme prescrivent les normes internationales régissant le transport du personnel de société. Nous permettons aux employeurs d’avoir leur personnel avant les heures d’ouverture de leur société. Le personnel ainsi transporté se concentre au mieux sur ses activités et aussi retourne le soir chez lui s’occuper de sa famille. Nous créons également des emplois directs et indirects et de la richesse. Nous serons satisfaits quand Pendis-ci sera connue à l’extérieur où nous pourrons développer la coopération sud-sud et sud-nord.

Je suis présidente de la Fondation Makété Cissé depuis 2007, après le décès de mon époux qui était une personne qui aimait partager. J’avais en moi l’amour du partage mais j’ai développé auprès de lui cette valeur. C’est dans cette optique que j’ai mis cette fondation qui est chargée d’encadrer les femmes, notamment les veuves. J’essaie de leur montrer que le veuvage n’est pas un handicap. C’est certes dur, mais la seule façon de surmonter la douleur, c’est de  retrousser ses manches pour   travailler et ne pas être dépendantes de quelqu’un ou de la famille. Dans ma fondation, je leur apprends à être structurées, à avoir confiance en elles tout en soutenant également les enfants issus de milieux défavorisés. Aussi, on coache les femmes à gérer leur compte, leurs activités, savoir pourquoi se mettre en groupement d’intérêt économique pour développer une activité quelconque.

Nous avons beaucoup de modèle de femmes entreprenantes qui ne se cachent plus dans l’ombre et disponibles au service de leurs sœurs. Tout ce que nous leur demandons, c’est de copier les exemples de succès en entrepreneuriat, intégrer les réseaux, participer aux campagnes d’échanges et se mettre ensemble. Parce que c’est ensemble qu’on va développer l’entrepreneuriat. Le faisant, nous contribuons au développement  et à l’émergence de notre pays.

Nous proposons l’entrepreneuriat formel et invitons les femmes à sortir de l’informel la petite activité qu’elles pratiquent pour la structurer et la capitaliser. Tant que vous resterez dans l’informel, vous aurez du mal à avoir une vision plus grande de vos activités. Sortez de l’informel et vous verrez que vous aurez beaucoup d’avantages. C’est donc cet accompagnement, mon expérience personnelle que je partage avec cette brave gent féminine.

La femme entrepreneur doit s’intéresser au développement économique de son pays en créant des emplois durables pour les jeunes et pour les femmes. Aussi pour le faire il faut une participation inclusive de nos dirigeants.

Je crois que je puis m’identifier à la lionne, celle-là même qui chasse et parvient à dompter sa proie pour sa survie. Elle sait s’apprivoiser, elle est docile et prête   à vivre avec les personnes qui l’aime et qui veulent vivre avec elle. Il suffit de lui montrer qu’on l’aime, qu’on veut être aussi présent à ses côtés. La lionne, bien qu’elle soit féroce, est une personne qui est enthousiaste, déterminée, qui aime le travail bien fait et est rigoureuse dans ce qu’elle fait.

Réalisée par Marina KONAN et Tristan SAHI