Entre sororité et fraternité, mon E muet
Mars, pour aussi viril qu’il puisse paraître, est bien le mois consacré aux femmes. Et pour ce mois de mars 2021, où nous verrons certainement beaucoup de rassemblements féminins, même s’ils sont virtuels, par ces temps de Covid-19 nous contraignant à la distanciation physique, nous avons choisi de parler de sororité. C’est quoi encore ce truc de sororité ? Le pendant féminin de la fraternité ou un entre-soi féminin, regroupement de nanas promptes à revendiquer ? Ne nous cassons pas la tête et lisons la définition que les dictionnaires en donnent en général : « Attitude, lien de solidarité féminine, responsabilisation -empowerment – féminine en non-mixité ». Ainsi circonscrite, la sororité aurait germé du besoin des femmes qui, déjà au Moyen-âge (si, si) et souvent dans des congrégations religieuses, ont entrevu la nécessité de transmettre leurs savoirs et leur sensibilité
aussi à l’abri des regards approbateurs ou censeurs. Puis, le concept et mode de vie a fait école au point que des femmes non religieuses, souvent veuves (pour s’affranchir d’un remariage imposé par les pères), ont dupliqué ce modèle de communautés de femmes et entre femmes. Ces béguines, comme on les appelaient, n’ont hélas pas échappé aux procès en sorcellerie et aux exécutions sommaires tant et si bien que la communauté s’est réduite comme peau de chagrin. Puis encore, à la faveur des révolutions, la sororité a repris du poil de la bête. Laissons là l’histoire. Qu’est-ce que la sororité aujourd’hui ou du moins comment la percevons-nous ? Je pense que l’enjeu d’une telle question n’est pas mettre sur un ring la fraternité qui serait masculine face à une sororité entièrement réservée aux femmes. Et c’est en cela que la sororité, entendue comme condition commune des femmes par-delà leurs différences et les frontières, peut permettre de construire des solidarités pour mieux faire entendre les aspirations légitimes des sœurs car de toute façon les inégalités de genre sont des invariants différemment mis au goût du jour selon le contexte socio-historique et politique. Entre sororité et fraternité, mon E muet – comme dans harmoniE, meilleurE, régulièrE – œuvre pour la fraternisation au sens de se construire comme sœur avec l’autre, masculin comme féminin. Le besoin de « non mixité » dans certains espaces et à certains moments de la vie, des femmes comme des hommes le ressentent. Et c’est bien la preuve que les femmes qui choisissent de se mettre ensemble, par-delà des questions d’ordre esthétique et éthique, sont bien plus efficaces et vaccinées contre le syndrome de la reine des abeilles (Queen bee syndrome) peint comme le comportement de certaines femmes qui usent de leur préséance pour traiter leurs ‘’sœurs’’ subordonnées plus durement.
Excellent mois de mars à tous, et vive les femmes !